Rapport minoritaire
Rapport minoritaire - Philip K. Dick
Paru pour la première fois en 1956, Rapport minoritaire est une nouvelle de Philip K. Dick présentant un monde dans lequel les crimes sont empêchés avant même d’être pensés par les criminels eux-mêmes.
Beaucoup de lecteurs de science-fiction s’accordent à dire que Philip K. Dick est un véritable génie. Et il faut admettre que cela est justifié. Evidemment, Dick n’était pas un grand écrivain, dans le sens stylistique, mais il avait une imagination et une perception de la science-fiction très personnelle. L’un de ses thèmes favoris reste l’illusion de la réalité provenant d’une perception humaine imparfaite. En quelque sorte, Rapport Minoritaire, adapté sous son titre anglais Minority Report par Steven Spielberg, participe à cette vision des choses.
Jetons un rapide coup d’oeil à l’histoire. John A. Anderton est préfet de police. Son métier consiste, non pas à élucider les crimes, mais à les empêcher avant qu’ils ne soient commis, voire même conçus, par leurs auteurs. Pour cela, Anderton dispose de trois précogs, des humains mutants, capables de voir l’avenir à travers de sillons temporels. Lorsque ces derniers présentent un crime, ils en informe Anderton aux travers d’une machine qui permet de ressortir le nom du meurtrier et celui de la victime sans autre précision que la date.
Tout se déroule bien jusqu’au jour ou les précogs prédisent le meurtre d’un homme des mains même d’Anderton. Traqué par ses anciens collègues, John va devoir découvrir pourquoi il est censé tué un homme qu’il ne connait même pas.
Un meurtrier qui s’ignore…
Comme souvent avec Philip K. Dick, il est difficile de parler de ses oeuvres sans risquer de révéler un élément clé de l’intrigue qui gacherait en partie leur lecture. Et c’est particulièrement vrai pour ce Rapport minoritaire.
Née de son esprit critique et dérangé, cette nouvelle nous dépeind un monde dans lequel les crimes ne se produisent plus car leurs auteurs sont arrêtés par anticipation. Imaginez-vous vivre dans ce monde. Alors que vous prenez tranquillement votre café un matin, la police débarque chez vous et vous arrête pour un crime que vous allez commettre. Vous n’y avez même pas encore pensé, mais vous allez le faire. Demain, la semaine prochaine…vous êtes un criminel.
Difficile de ne pas être révolté par le principe même de ce système. Il y a d’ailleurs fort à parier que Dick veut nous amener à nous révolter. Rappelons qu’il a lui-même subi le Mac Carthysme, le FBI lui demandant couramment de rendre des comptes sur les activités politiques de sa femme. Le principe du Mac Carthysme rejoind d’ailleurs celui de Rapport Minoritaire avec le postulat consistant à considérer tous les “communistes” ou sympathisants comme des criminels en puissance.
Mais que se passe-t-il lorsque le système se retourne contre ses gardiens ? C’est ce qui arrive à ce cher Anderton qui va alors être amené à remettre en cause ce système qu’il a toujours défendu et même “orchestré”.
Outre cet appel à la réflexion, déjà passionnant en soi, Rapport Minoritaire est une nouvelle rondement menée. Le suspense y est vraiment intense, l’action omniprésente et la fin…une fin mes amis…je ne vous dis que ça. Comme à son habitude, Philip K. Dick concentre toute son histoire autour de son personnage principal dont on partage les interrogations, les craintes, les douleurs mais aussi ces petits moments de joie et de soulagement.
C’est d’ailleurs l’une des forces des oeuvres de K. Dick. La mise en scène d’un personnage comme vous et moi qui est confronté à des évènements remettant en cause ses certitudes, ses principes, son mode de vie. Un être humain avec ses forces et ses faiblesses, le tout dans un contexte de SF permettant de développer une réflexion plus vaste et profonde que ce qu’aurait permis un contexte réaliste.
…est-il innoncent pour autant ?
Vous l’aurez compris, Rapport Minoritaire est une des meilleures nouvelles de Philip K. Dick qu’il m’ait été donné de lire. Pour tirer cette conclusion si subjective, je me base sur ces critères très simples : une intrigue passionnante qui ne nous pousse à la réflexion. De fait, on ressort de cette histoire pas tout à fait comme l’on y est entré.
On pourra toujours reprocher à Dick son style simpliste et l’absence de profondeur de son univers, nouvelle oblige, mais force est d’admettre que cela n’enlève rien à l’intérêt de cette grande nouvelle.
Sans plus de mots, je l’écris une bonne fois pour toute : une nouvelle à lire absolument !
Note : 16/20
Adaptation cinématographique : Minority Report
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