Substance Mort
Substance Mort – Philip K. Dick
Publié en 1977, Substance mort est certainement le roman le plus profond et le plus personnel de Philip K. Dick. Avec la drogue comme thème central, n’espérez pas à un happy end.
Est-il nécessaire de rappeler que Philip K. Dick était un drogué qui n’avait pas beaucoup d’argent ? Nombreux sont ses écrits alimentaires qui lui permettaient d’acheter sa nourriture, parfois de la pâté pour chat pour lui-même, et sa drogue. Mais Substance Mort n’est pas de ceux-là. A travers de ce livre, Dick va traiter d’un sujet qu’il maîtrise : les ravages de la drogue.
Petit trip sur l’histoire. Dans une Amérique alternative des années 1970, Bob Arctor, flic des stups infiltré dans une maison de junkie depuis plusieurs mois, est obligé de se droguer et de vivre la vie d’un “freak” pour récolter des informations. Pour garantir sa mission, il fait ses rapports à son supérieur en complet brouillé, une combinaison permettant de brouiller son image réelle pour éviter les fuites des taupes, et prend le pseudonyme de Fred.
La mission première de Fred est de surveiller Bob Arctor, soupçonné d’être un gros trafiquant. Ainsi commence une lente descente dans une psychose dont personne ne peut ressortir indemne.
Requiem for a stup
Il n’est pas toujours évident d’écrire sur un roman de Philip K. Dick, et Substance mort n’échappe pas à cette règle. Même plus, il est l’exemple type du roman dont il est presque impossible de parler tellement il est particulier et complexe.
En fait, le roman nous entraine dans une lente descente aux enfers psychotique parsemée de délires paranoïaques sans queue ni tête. Et pourtant, Dick réalise le tour de force de donner une cohérence à l’ensemble. Et il va même plus loin en développant une véritable histoire sur fond de polar.
Lorsque l’on connait la capacité de Dick à perdre le fil de son histoire sur beaucoup de romans et de nouvelles et à offrir à son lecteur une fin bâclée et décevante, on ne peut que reconnaître la force de ce roman qui, malgré un sujet compliqué, arrive à offrir une oeuvre complète et complexe.
Les personnages sont eux incroyablement attachants et profonds. Bien que le personnage de Arctor / Fred soit particulièrement travaillé, étant donné qu’il est le personnage qui sert de fenêtre sur le monde au lecteur, les autres personnages ne sont pas laissés de côté. Et le fait de les suivre à travers Bob nous force à ressentir pour eux ce qu’il ressent. La présence apaisante de Donna, l’amitié pour Luckman, l’aversion pour Barry…, on ne peut s’empêcher de partager tout cela.
Bien qu’une fois de plus le style littéraire de Dick ne soit pas transcendant, la plongée dans cet univers réaliste et sombre rend le roman passionnant et il est bien difficile d’en sortir lorsque l’on y met un pied. Mais Substance mort n’est définitivement pas un roman qui se raconte, mais un roman qui se lit, voire qui se vit.
A scanner darkly
Tel est le titre américain du roman en question. Ce titre, bien plus évocateur que Substance Mort, met en avant le rôle presque psychanalytique de l’oeuvre pour l’auteur. Bien que dans une note, à la fin du roman, il précise qu’il n’est pas Bob Arctor, Dick écrit qu’il y a un peu de lui et beaucoup de ses amis drogués dans tous ces personnages.
Sans jamais dispenser une quelconque morale, Dick met en avant les effets dévastateurs des drogues dures autant pour le corps que pour l’esprit. Pour donner une idée, ce livre est une sorte de Requiem for a dream bien avant l’heure et plus intéressant car le roman permet une véritable plongée dans la pensée du personnage, chose qu’un film ne peut faire que partiellement.
Du fait de sa place particulière dans la bibliographie de Dick, et de son style bien moins SF que ses autres oeuvres, Substance mort ne laisse pas indifférent. En clair, on adore ou on déteste mais il est difficile de porter un regard objectif sur un roman si personnel pour son auteur.
Note : 18/20
Adaptation cinématographique : A scanner darkly
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