V pour Vendetta

V pour Vendetta – massacre hollywoodien ?

Sorti en 2005, V pour Vendetta se veut l’adaptation directe de la bd d’Alan Moore sur grand écran. Mais un sale goût d’Hollywood reste en bouche.

V pour VendettaRéalisé par James McTeigue et produit par les Frères Wachowski, V pour Vendetta s’attaque à une oeuvre majeure de la bande-dessinée.

Petit résumé (trop petit…) : dans une Angleterre ayant basculé dans le totalitarisme, V, un personnage masqué mystérieux, cherche à faire tomber le gouvernement. Evey, une jeune et jolie femme travaillant pour une chaîne de télévision contrôlée par le pouvoir en place, est sauvé des mains des miliciens par V en personne. Ce dernier fini par enlever la jeune femme pour la protéger…

Avis de Selrach

Je n’hésiterai pas à déclarer haut et fort mon immense admiration pour cette œuvre grandiose : V pour  Vendetta est sans nul doute l’un des grands chef-d’œuvres du génial Alan Moore, c’est-à-dire de la bande-dessinée anglo-saxonne en générale. L’adaptation du comics à l’écran était un projet plaisant et, si je ne m’attendais pas à ce que l’œuvre soit intégralement respectée, je nourrissais le vain espoir d’en voir conserver le message et l’ambiance.

Or, le décalage entre cette bande dessinée superbe et la pantalonnade navrante offerte par les frères Wachowski (rien que de dire cela, c’est drôle, j’ai envie de vomir) est absolument incroyable. Dans le film, quid des personnages ambigus et torturés réduits ici à de pauvres hommes d’affaires et dirigeants politiques qui sont maléfiques au point d’aimer le pouvoir et l’argent (oh que c’est vilain, quelle fulgurance dans la dénonciation).

Un comble lorsque l’on sait qu’une grande partie du charme de la bd tient à la mise en scène de personnages à la fois pervers et moralistes, manipulant la population par le contrôle des média et l’instrumentalisation de la peur.  V lui-même ne survit pas au passage à l’écran : personnage sombre, torturé, malsain et discret dans la BD, presque fantomatique, il  devient ici un anarchiste bas de gamme, gentillet, omniprésent et qui nous garantit une logorrhée verbale à chaque plan.

Adieu messages subversifs sur la liberté des peuples et les responsabilités individuelles et collectives. Ceux-ci s’effacent devant un message démagogique et flou sur le fait que, quand les gens  ne sont pas contents, ils le montrent un jour ou l’autre. L’ambiance de civilisation décadente et d’asservissement des hommes par un pouvoir basé sur la terreur et l’ordre moral est ici transformée en une atmosphère puérile, caricature grossière des USA de W. Bush un peu plus trash.

Au niveau de la forme même de la narration, la mise en scène lente et angoissante de Moore devient entre les mains des frères Wachowski une succession de scènes d’actions sordides avec les éternels effets de ralentis lorsque V fait du kung fu (merde !). . Au bout de vingt minutes, le spectateur oubli le propos du film. Le rythme est a ce point rapide que, même en ayant lu la bd, je ne comprenais pas certains pans de l’histoire. Le tout nous est servi avec l’esthétique d’un clip du groupe Evanescence certes léché et bien réalisé mais impropre à exprimer la gravité du propos. Saluons l’exploit  des deux frères Warchowski car transformer un conte baroque et ambigu en film d’action grotesque et sans imagination était un pari risqué. Le plus surprenant dans tout cela c’est qu’ils nous l’ont vendu comme une œuvre critique et déroutante alors que, ne nous le cachons pas, c’est une merde.

Mauvaise adaptation de l’œuvre originale (pas tout a fait du niveau de Donjons et Dragons mais presque !), mauvais film à message et, comble du comble, film d’action pénible à regarder, V pour Vendetta est bel et bien un échec retentissant.

Note : 6/20 (et je suis large compte tenu du massacre !)

Avis de Silvermousq

Histoire d’une BD géniale, sulfureuse et subversive, qui devient un bon film d’action, romantique et légèrement anar. Autrement dit, l’inspiration devient référence, l’hommage devient clin d’œil.

Et pourtant, super film. Honnêtement j’ai adoré. Malgré quelques longueurs le film dénote, voilà sans doute un des meilleurs arguments en sa faveur, n’en déplaise aux puristes. C’est vraiment ça qui m’a plu, sa différence, et la classe du personnage de V. Les acteurs sont bons et les personnages bien chiadés, mais V est franchement au-dessus.

Déjà il aime le Comte de Monte-Cristo (respect), il porte un masque en l’honneur de Guy Fawkes (plus ou moins respect, libertaire mais catho), et puis c’est un Angliche bien comme on les aime, tout en raffinement, spiritualité et manipulation perverse (total respect). C’est là qu’on touche le vrai souci dans ce film : des Anglais comme ça vous en connaissez plein (Sherlock Holmes, Brett Sinclair, John Steed) mais personne n’en a jamais rencontré de vrai, pour la simple et bonne raison qu’on est en plein dans le cliché du gentleman. C’est comme la boxe anglaise (la baston noble), on a le dandy anarchiste (le terroriste classe), des images d’Epinal quoi.

Et tout le film est un peu dans cet esprit, limite trop spirituel, trop surfait ou surjoué. Par exemple le happy end est presque déplacé, même si ça fait chaud au cœur de voir ces bonne gens se réveiller enfin, on n’y croit guère.

Et pourtant le message du film est fort ! En substance : il est plus difficile de tromper un homme que dix millions, message lu et relu au XXè siècle, et vécu même, mais dont l’importance et la portée philosophique lui confère un aspect indémodable. On ne lasse pas de ces sociétés dystopiques à la manière d’un Orwell (les références à 1984 sont nombreuses) car, entre autres, il semble que le message ait toujours autant de mal à passer (Jean, si tu me lis).

Bref, un bon film qui aurait pu être meilleur et dont la réalisation et l’aspect général laissent  parfois à désirer mais dont le message vaut le détour.

Note: 13/20

Avis de Yvan

L’adaptation au cinéma d’une telle œuvre au cinéma n’est pas une chose évidente. Et cette adaptation devient encore moins évidente pour un homme qui est réalisateur pour la première fois et qui, dans son passé, a énormément travaillé avec les frères Wachowski. Je parle évidemment du réalisateur James McTeigue dont le passé explique un résultat en demi-teinte.

En effet, le film n’est pas mauvais en soit, quoi qu’en dise Selrach. Le problème vient de sa conception trop « hollywoodienne ». Le film est donc très prenant et on ne s’ennuie pas une seule seconde. On retrouve donc de l’action, de l’émotion et un peu de réflexion. Tout pour faire un série B. Mais voila, V pour Vendetta ne devait pas être une série B.

En fait, le film s’adresse en priorité aux spectateurs n’ayant pas lu la bd d’Alan Moore, comme c’était mon cas au moment où j’ai vu ce film. Ceux qui l’ont lu auront beaucoup plus de mal à se plonger dans le film, car, je le répète, le film est trop hollywoodien. Ainsi, le film va faire la part belle à des scènes d’actions inutiles et secondaires, et mise sur un aspect incroyablement théâtral de V, au détriment de la profondeur de l’œuvre originelle. Ainsi, exit les passages de la bd s’attardant sur les hommes de pouvoir. De fait on plonge dans une histoire manichéenne où on retrouve les méchants au pouvoir et les gentils dans la rue.

Pourtant, toute la critique véhiculée par l’œuvre de Moore n’est pas évincée. Lorsque l’on ne déconnecte pas son cerveau pour simplement se laisser porter par le film, on se rend bien compte que les masses sont visées. Les masses et leur soumission à demi consentie pour ne plus avoir à penser. En ce sens, le film peut faire mouche même s’il faut soi-même faire preuve d’une certaine réflexion pour éviter de s’arrêter à un premier niveau de lecture trop évident.

Au final, le film n’est pas mauvais mais aurait pu être bien plus profond s’il n’était pas réalisé par McTeigue et produit par les frères terribles de Matrix. Cela étant, V pour Vendetta reste une bonne introduction à la bande-dessinée  dont il se veut l’adaptation. Mais il est clair que voir le film sans s’intéresser à l’œuvre originale par la suite tient du crime de lèse majesté et fait passer le spectateur à côté de toute la profondeur et l’excellence de V pour Vendetta.

Note : 11/20 (en tant qu’introduction)