Blade Runner
Blade Runner – Philip K. Dick
Critique de Yvan
Publié pour la première fois en 1968, Blade Runner est, à mes yeux, le plus grand roman de Philip Kindred Dick.
Blade Runner est un roman particulier à bien des égards. Tout d’abord parce qu’il est, à mes yeux, le meilleur roman de Philip K. Dick. Mais aussi car il est le roman qui a permis à cet auteur de passer sur le devant de la scène grâce à son adaptation cinématographique par Ridley Scott. Il est simplement malheureux que cette reconnaissance ne se soit manifestée de son vivant.
Quoi qu’il en soit, Blade Runner mérite que l’on s’y attarde. Et ça tombe plutôt bien, puisque c’est ce qu’on va faire…
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?
Tel est le titre originel du roman. En effet, il ne paraitra sous le titre Blade Runner qu’à la suite du succès du film avec Harrison Ford en 1982. Il faut d’ailleurs bien admettre que le titre de 1968 est bien plus parlant. Pour s’en convaincre, petit point sur l’histoire du roman.
En 2021, la Terre a été ravagée par une nouvelle guerre mondiale. Elle n’est alors peuplée que des personnes n’ayant pas voulu ou pu émigrer sur Mars, aujourd’hui colonisée par les hommes. Dans ce monde, Rick Deckard est un blade runner. Son métier consiste à chasser et réformer, comprenez tuer, les réplicants qui ont immigré illégalement sur Terre. Les réplicants sont des androïdes qui ressemblent en tout point aux êtres humains, exception faite d’une force et d’une intelligence supérieure et de l’incapacité totale de faire preuve de la moindre empathie.
Alors qu’il se lève un matin, Rick est convoqué par le chef de la police qui va lui attribuer l’affaire la plus compliqué de sa carrière. Cette affaire va l’opposer à quatre Nexus 6, le dernier modèle de réplicants créés par la Tyrell Corporation. Les convictions vont de Rick Deckard vont alors être ébranlées et toute sa vie remise en question…
Autre personnage central du roman, John Isidore. Il est ce que l’on nomme un spécial, c’est-à-dire un humain psychologiquement diminué du fait de l’exposition prolongée aux radiations. De fait, la migration sur Mars lui est interdite et il est condamné à vivre sur Terre. Isodore vit seul dans un immeuble délabré jusqu’au jour où il se rend compte qu’un nouveau « locataire » est venu s’installer dans un appartement en-dessous du sien.
Voila pour le rapide résumé…mais qu’en est-il du roman ?
Réalisme et pessimisme…que du bonheur
Commençons par la conclusion de cette critique pour une fois…Blade Runner est un chef-d’œuvre et non je ne m’emporte pas.
Tout d’abord parce qu’il est particulièrement cohérent et très, mais très, réaliste. La cohérence n’est pas toujours de mise chez K. Dick, drogue et déprime oblige, mais là il imagine un univers plus que crédible. Ici, pas de robot détraqué, pas de voyage interstellaire à l’autre bout de l’univers, pas de voyage entre les dimensions mais un monde qui pourrait être celui de demain. Pas demain matin, mais demain après-midi en tout cas. Et c’est là l’une des forces de ce roman. Ce monde dans lequel on plonge nous rappelle un peu, beaucoup…le notre sur bien des aspects. Mais réalisme rime souvent avec pessimisme, il faut bien l’admettre.
Et là, du réalisme on en mange à la louche. Bien que l’on suive deux personnages en particulier, ici pas de héros. Oubliez le chasseur de prime endurci et sûr de lui, oubliez le looser qui finira en héros par la force des choses. Ici, on suit des hommes normaux qui tentent de vivre dans un monde complexe et où rien n’est tout noir ou tout blanc. Pas de gentils ou de méchants, juste des êtres qui cherchent à vivre, voire à survivre.
Et c’est là la seconde force de ce roman. Les personnages, et notamment Deckard et Isidore, sont particulièrement approfondis par l’auteur. Le lecteur plonge dans leur tête et est amené à se poser les mêmes questions qu’eux…sans forcément y trouver une réponse. On découvre cet univers à travers leurs yeux, leur vie, et sincèrement on n’a pas envie d’y vivre. Quoi qu’il en soit, on se laisse emporter dans ce monde, cette histoire et on suit l’évolution de ces personnages.
Mais les humains ne sont pas seuls sur Terre. Les réplicants ont évidemment une place primordiale dans ce roman. Forts et intelligents, ils cherchent sur Terre une vie meilleure car ils sont utilisés comme de véritables esclaves sur Mars. Mais on découvre, au fil du roman, des êtres bien plus complexes qu’il n’y parait. Particulièrement intelligents par bien des aspects, les « gueules d’humain » ont aussi des réactions incroyablement enfantines dans de nombreuses situations.
Et c’est d’ailleurs de cette façon qu’ils sont repérés, par leur absence d’empathie. Pour autant, ils ne sont pas de simples machines et encore moins des animaux. Ils sont plus comme des humains à qui il manque un vécu…qui semble être la prochaine étape de leur « évolution » lorsqu’on y réfléchit (la réaction de Rachel à la toute fin…pour ceux qui connaissent le roman).
Une fois de plus, je risquerai de trop en révéler en poussant plus loin cette critique. Mais bien d’autres éléments participent à la profondeur de cet univers et de fait de ses personnages. Je pense notamment au Mercerisme (une nouvelle religion « interactive »), les orgues d’humeur, les animaux artificiels…
Lire et laisser reposer quelques années
Est-il nécessaire de le redire…mais oui bien sûr, Blade Runner est un chef-d’œuvre du roman d’anticipation. Passionant, sombre, réaliste, bien construit, bien écrit (s’il on se base sur la traduction française évidemment), Blade Runner est aussi une source de questions sur la nature humaine qui fait que l’on n’en ressort changé, et un peu déprimé, il faut bien l’avouer.
Alors peut-être que je me répète mais là c’est plus vrai que jamais. Il faut lire ce livre au moins une fois dans sa vie. Mais il ne faut pas se contenter d’une seule fois. Lisez-le, laissez reposer quelques années et relisez-le…vous m’en direz des nouvelles.
Et je parle par expérience. Pour l’avoir relu avant de faire cette critique, et c’était quand même la 5ème fois dans ma vie, j’y ai encore découvert un tas de choses. Non pas parce que le roman a changé,, évidemment, mais parce que moi-même j’ai changé depuis la dernière fois où je l’ai lu. Et je pense que si je le relis d’ici quelques années, j’y verrai de nouvelles choses. A lire et à relire donc…
Note : 18/20 (note maximum qu’une oeuvre, quelle qu’elle soit, puisse obtenir)
Adaptation cinématographique : Blade Runner
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